mercredi 17 février 2016

Stylo ou pompe... première approche.



Le passage sous pompe me libère du pied à perf. Désormais, pour aller aux toilettes, je traîne un gant accroché à la ceinture par une épingle à nourrice et non un truc bancal à quatre roues qui ne parviennent pas à se décider dans quel sens elles vont aller. C’est pourtant simple de savoir qui est le boss, bordel !

Le ballet médical continue. Infirmières toutes les deux heures pour la glycémie, médecin le matin, voire l’après midi, juste pour confirmer que les taux d’insuline balancés fonctionnent. Curieux, j’ai voulu savoir comment ces taux étaient élaborés. Ils ne sont pas rentrés à fond dans le sujet mais ils prennent en compte le poids de la personne, ce qu’elle mange, ses activités physiques et les réactions de l’organisme, tout un tas de données en fonctions des différents examens que j’ai subi depuis mon entrée. Connaître quelqu’un à ce point en deux jours alors que nous-mêmes, nous n’y parvenons pas en toute une vie, ça tient du prodige.
Un facteur de l’équation est cependant écarté immédiatement : les aliments. Repas calibré spécial diabétique. Des légumes (150 à 200 gr, voire moins, cela dépend), des féculents (150 gr), un laitage (yaourt ou une portion de fromage de 40 gr), un morceau de pain, un fruit, une viande ou un poisson à midi, une soupe le soir.
Tout cela est bien joli et rempli bien l’estomac seulement, en ce qui me concerne, je mange moins chez moi. Il m’arrive de faire des repas sans pain, sans fromage et d’alterner féculents et légumes verts. Enfin bon, on verra bien lorsque je rentrerai…

La pompe, c’est pas mal pour renvoyer le pied à perf dans le placard. Mais point de vue tranquillité, j’ai connu mieux. Pour dormir, par exemple. Mon esprit peut-être quelque peu tortueux et torturé s’imagine qu’en me tournant, je vais retirer le cathéter. Bien entendu que je ne pense pas au geyser de sang qui va en découler et la transformation de la chambre en film d’horreur, voire gore, ultra-réaliste ! C’est juste qu’on ne sens rien quand on le retire et que si l’insuline ne passe plus, on n’en ressent pas plus les effets.
Surtout que je ne sais pas encore quels sont les effets d’une hypo et d’une hyperglycémie. Comme nous approchons du week end, je ne verrai le médecin que le lundi, voir le mardi.

D’ailleurs, au premier changement de cathé, le petit boîtier ne met pas longtemps à sonner. Ça arrive que ça se bouche ou que ça se torde. Tu parles d’un pratique !
Alors le soir, on me retire tout ça. L’infirmière vient me présenter l’autre option, celle qui va m’accompagner dans un premier temps : la piqure. La première injection est faite par des mains expertes avec une seringue, à l’ancienne mais dès le lendemain matin, j’apprendrai à manier les stylos.

Il existe deux sortes d'insuline, dite lente et rapide. La rapide se prend avant un repas. Son action est... rapide. Dans les dix minutes qui suivent l'injection. Elle dure 2h30 voire 3h, ça dépend des organismes et elle peut durer un peu plus longtemps.
La lente se fait à heure fixe. Pour moi, c'est à 19h. En fonction des besoin, elle agit 12 ou 24h. Au départ, je suis sur une Lantus de 24h.

On passe sous silence la manière de calculer un rattrapage en fonction de la glycémie. On se concentre sur le protocole d’injection, en respectant les doses que l’on me prescrit. Le reste viendra très vite.

Tu prends ton coton imbibé d’alcool, tu passes le bout du stylo dessus, tu retires le papier sur le capuchon de l’aiguille, tu visses l’ensemble sur le stylo, tu dévisses le capuchon, tu tournes la molette de huit crans. C’est la purge. Huit crans, donc huit unités, pour un stylo neuf et deux par la suite. Tu balances tout ça où tu peux, où tu veux, par terre, contre le mur, dans l’œil de ton voisin, peu importe. Tu te reportes aux doses que l’on t’a prescrites. En ce qui me concerne, 10 unités au petit-déjeuner et 8 le midi et le soir.
Je me balance donc 10 unités dans le bras, dans la zone déterminée, jamais ailleurs, afin que l’insuline se propage correctement.

stylo à insuline rapide et lente





Le soir à 19h, même combat. Sauf qu’il faut rajouter une injection d’insuline à action lente, l’insuline pour vivre. Celle que j’ai a une action de 24h. Et il est important que je fasse cette injection à heure fixe car si je décale, je risque un surdosage et donc des hypoglycémies dont je ne connais toujours pas les effets.
Ce qu’on appelle la Lantus, 21 unités, s’injecte dans la cuisse ou l’abdomen, à différents endroits à chaque fois pour éviter la lipohypertrophie. C’est l’accumulation d’insuline qui crée une sorte de boule de graisse. Cela à surtout pour effet de retarder la diffusion de l’insuline et de retarder son effet sur les glycémies. Il ne faut donc pas masser la zone bosselée car on risque de provoquer des hypoglycémies en favorisant l’absorption d’une grande quantité d’insuline en un temps réduit.

zones d'injection de l'insuline
 Les zones d'injection d'insuline. En rose pour l'insuline rapide, en bleu, orange et vert pour l'insuline lente.
Quoi qu’il en soit, l’insuline en stylo me laisse plus tranquille que la pompe.
Me reste à lever certaines zones d’ombre comme les unités à injecter en plus… Tout vient à point à qui sait attendre.



dimanche 14 février 2016

Le premier jour d’hospitalisation…



Le matin même, mon voisin de chambre fait ses bagages. Il hallucine sur les deux pieds à perf et me dit qu’il n’a pas eu ça. Je commence déjà à comprendre que le diabète est quelque chose de très personnel. La nutritionniste vient lui donner les dernières recommandations et lui parle d’une sorte de stage d’une semaine pour apprendre à compter les glucides et adapter ses doses d’insuline. Je lis dans mon coin (Le Donjon de Naheulbeuk – À l’Aventure, Compagnon !) mais les oreilles traînent. Même si je ne comprends pas encore tout ce qui se dit, je trouve l’idée séduisante. Elle en vient à discuter boisson. J’ai une question qui me trotte dans la tête et me permet d’intervenir.
Quelques mois auparavant, la firme Coca a sorti un nouveau produit, le Coca Vert, le Coca Life. Un peu partout, j’avais lu que c’était une révolution pour les diabétiques parce qu’il était à la stévia, plus naturel, avec une faible teneur en glucides en plus d’avoir une action très faible sur les glycémies. Le goût du sucre sans en avoir les inconvénients et donc sans danger pour un diabétique. Et contrairement au Coca Zéro, il a meilleur goût. Ce n’est pas parce qu’on est diabétique qu’il faut se priver de tout, y compris de petits plaisirs comme un verre de Coca de temps en temps !
Seulement voilà… les publicitaires feraient n’importe quoi pour vendre leur produit, y compris assassiner un diabétique. Parce qu’il y a du sucre dans le Coca Vert ; en moins grande quantité que dans le Coca Rouge mais il y a quand même du sucre ! Et quand vous n'êtes pas diabétique, vous ne regardez pas forcément les étiquettes.
Pour un diabétique qui veut se faire plaisir avec le liquide marron, il ne reste que le Coca Zéro et le Coca Light. Pour un diabétique qui a testé le Zéro et mis trois heures pour tomber 50cl, la liste est encore plus réduite.

Plus tard dans la journée…
L’infirmière d’à peine 25 ans se bat avec le distributeur d’insuline qui doit être plus vieux que son grand-père. Et comme elle trouve anormal que j’ai deux cathéters, elle décide de tout faire passer dans un seul bras. Je la vénère, je revis et suis heureux de ne pas avoir eu à aller aux toilettes depuis tout ce temps. Réflexion anodine qui ne me fait pas plus réagir que ça.
La jeune femme me dit que le lendemain, je serai encore plus libre car on va m’installer une pompe pour 24h avant de passer à l’injection par stylo.

Dans la journée, il y a la visite des médecins. Les protocoles sont établis. On me bombarde de tout un tas de données que mon cerveau ingurgite avec gourmandise. J’écoute, je comprends, je sais qu’il va il y avoir des sacrifices. Ceux-ci ne sont pas très nombreux : plus de coca rouge. Pas grave. J’avais mis une bouteille de 2L au frais la veille de mon entrée aux urgences. Elle va devoir se sentir abandonnée.
Durant les prochains jours, ça va être la course. Je dois voir un médecin pour choisir un lecteur de glycémie, pour apprendre à faire la différence entre une hypoglycémie et une hyperglycémie, apprendre à réagir quand cela arrive. Je vais également voir la nutritionniste pour qu’elle m’explique les habitudes à adopter point de vue nourriture, en fonction de mon alimentation habituelle. Et tout cela en plus de la visite, toutes les 2h, de l'infirmière ou l'infirmier pour contrôler la glycémie.

On m’explique tout. La différence entre le diabète de type 1 et de type 2, les différences de traitement, les contraintes, les progrès de la médecine… Si on me parle de tout cela, c’est parce qu’on ne sait pas encore de quel type de diabète je dépends. Les prises de sang ont été faites mais les résultats sont longs à revenir. Donc pour le moment, on va me traiter comme un diabétique de type 1 parce que cela semble fonctionner. Et on verra par la suite. De toute façon, je ne suis plus à ça près. Parce que je sais que cela fait quelques années en fait que je suis diabétique. N’ayant eu que cette surconsommation d’eau que j’avais mis sur le compte de l’inactivité suite à la perte de mon travail, je m’étais dit que j’avais ainsi compensé au lieu de me jeter sur la bouffe. Mon régime qui masquait la perte de poids due au diabète qui aura elle aussi été très lente... je brouillais les pistes.

Ce qui se passe, c’est que le diabète de type 1 se manifeste généralement à l’adolescence. Le type 2, se manifeste quant à lui plutôt à la retraite. J’ai 40 ans. Pas assez vieux pour avoir un type 2, plus assez jeune pour le 1. Une énigme médicale comme les aime le Dr House ? Pas à ce point-là. Il y a de plus en plus de gens dans mon cas. Mais les médecins me font remarquer que je ne fais rien comme les autres.
– Eh ! Faut bien que vous bossiez un peu, ça serait pas drôle pour vous si vous aviez que des gens qui font tout dans les règles.
Et je vous assure que c’est ce que je leur ai dit, sur le ton de la plaisanterie bien évidemment. Ce qui a contribué à la surprise de me voir aussi bien réagir face à ce qui m’arrivait. Ce à quoi j’ai répondu sur un ton plus sérieux :
– Est-ce que j’ai le choix ? À quoi ça me servirait de me battre alors qu’il y a 200% de chance que je perde et que j’accélère les complications ? Autant que je sache tout de suite ce qu’il faut faire et ne pas faire pour gérer cette maladie, que j’apprenne à vivre avec, plutôt que de m’acharner à me bousiller encore plus la santé.

Avec toutes ces données, je peux établir des règles dans le diabète. La première d’entre elle, la règle d’or, c’est que justement le diabète ne répond à aucune règle. Lorsque l’on a compris cela, on a compris sa maladie.

Les médecins me demandent si j’ai constaté des changements dans mon comportement. Mis à part le fait que j’ai plus qu’un pied à perf à trimbaler au lieu de deux, je ne vois pas. J’ai beau attaquer la base de souvenirs au marteau-piqueur, je ne trouve pas de réponse.
Une des médecins, le regard un peu dur et froid la première fois qu'on la voit mais en réalité très agréable, me demande alors avec un sourire satisfait :
– Avez-vous remarqué que vous allez moins aux toilettes ?
Temps de réflexion. Fouille mémorielle et je dois me rendre à l’évidence : je ne suis pas allé aux toilettes depuis mon admission aux urgences. Pas à cause du stress, pas à cause des milles questions qui pouvaient m’assaillir puisque qu’ils n’y en avaient pas, juste cette impatience de tout savoir sur la maladie et la façon dont j’aurai à la gérer. Non, rien de tout cela. Je n’allais plus aux toilettes, tout simplement parce que je n’en avais pas envie. En balançant de l’insuline aux urgences, mon organisme, en roue libre depuis au moins quatre ans, commençait à se réguler, à reprendre le contrôle et ce immédiatement.
Plusieurs choses me sont alors passées par la tête à ce moment-là. La première, c’est que j’allais retrouver le goût d’aller au cinéma sans avoir à sacrifier cinq minutes du film pour aller vidanger.
La seconde, c’est que l’on était étroitement surveillé au point de regarder les allées et venues aux chiottes…
Au-delà de la plaisanterie, c’est rassurant de voir toute une équipe médicale qui sait de quoi elle parle. Mieux vaut dans ce domaine.
Mon médecin généraliste m’avait parlé vaguement du diabète mais m’avait aussi précisé qu’elle n’était pas experte et qu’elle ne pouvait pas répondre à mes questions. Au C.H.U., c’est pareil. Ils sont spécialistes mais quand ils ne savent pas, ils le disent. Quand ils ne sont pas sûrs, ils le disent. Et c’est ce qui est rassurant.

Tout ce que l’on peut vivre au quotidien est autant de données qui peuvent être prises en compte pour que la médecine puisse avancer. Le diabète est méconnu. Mise à part les symptômes récurrents, les différents protocoles médicaux à mettre en place et le suivi à opérer, il y a encore pas mal de questions sans réponse.

vendredi 12 février 2016

La découverte - Seconde partie



Mars 2014.

Les urgences du C.H.U., c’est une usine. Vous arrivez, on prend connaissance de votre existence, on vous fait attendre sur un banc et une infirmière vous prend en charge avec juste les suspicions sur votre état. Mais cet état est parfaitement établi, il faut le confirmer, c’est tout.
Pour cela, on fait une dextro. Mot que je ne comprends pas, que je ne connais pas. Ça revient à piquer le bout d’un doigt, jamais le même, de recueillir une goutte de sang et d’attendre le bip de la machine qui fait une syncope en affichant le résultat. Enregistré. Le résultat, comme le terme « dextro ».

Ensuite, direction le couloir où il faut poser au moins le t-shirt. Ça tombe bien, il fait un peu chaud chez eux.
Deux bras, donc deux cathéters. Ça doit être la politique des urgences. L’urgentiste m’explique alors un peu plus en détail le pourquoi je suis là en même temps que l’infirmière prépare les cathéters. On me pose tout un tas de questions pour bien confirmer ce diabète et élaborer certaines choses que je ne comprendrais que bien plus tard.
Est-ce que j’ai des membres de ma famille atteints de cette maladie ? Ça je le savais que j’étais sujet vu que mon grand-père maternel est mort de cela dans les années 50 et que je ne l’ai jamais connu.
Depuis quand j’ai les premiers symptômes… difficile à dire et vu que je ne fais jamais rien comme les autres, tu vas en chier.

L’infirmière trouve que j’ai les mains moites et me demande si je stresse. Je lui réponds que non, qu’il fait juste un peu chaud et que j’ai du mal à supporter cette chaleur. Et c’est vrai que je suis d’un calme olympien face à ce qui m’attend et dont j’ignore tout.
L’urgentiste en est à me demander si j’ai constaté une perte de poids. Je lui dis que oui et en réfléchissant, je me dis – tout en lui en faisant part – que j’ai perdu au moins 30 kilos.
Cette fois, c’est à l’urgentiste de faire une syncope et de friser l’asphyxie. Il veut savoir sur combien de temps.
Sur au moins 2 ans. Parce que j’avais décidé de faire un régime en changeant juste mes habitudes alimentaires. Je ne me privais de rien, je réduisais simplement les quantités et évitais le grignotage. Cela semblait efficace. Seulement le diabète déclenche lui aussi une perte de poids, chose que j’ignorais alors. C’est quelque chose de fulgurant en fait : ça peut aller de 10 à 15 kilos en un mois m’a-t-on dit, dans les cas les plus graves. Quand je dis que je ne fais rien comme les autres…

En attendant, le premier cathéter est en place et la valve doit être ouverte puisque je me vide sur le lino. Fermeture des valves, milles excuses, ce n’est rien, il m’en reste encore un peu, je suis en vie donc tout va bien.
Direction une salle rien que pour moi. Dans le bras gauche, on me balance du glucose, dans le droit de l’insuline. Ou l’inverse, je ne sais plus. Quoi qu’il en soit, je me dis que si l’envie de pisser me prend, je ne vais pas être à la fête. Surtout que depuis quelques années, j’y vais environ une fois toutes les heures.
Je suis allongé, ne pouvant rien faire d’autre que d’écouter les bruits de couloir. En face de moi, une pendule. Vous savez, celle du genre où la trotteuse avance d’une seconde pour reculer de trois. Malgré tout, le temps passe relativement vite. Délires psychédéliques, perte des repères de la réalité ? Je ne sais pas et je peux me demander ce qu’ils me balancent dans les tuyaux. Je ne vois ni éléphant roses, ni lapin géant mutilé, ni arc en ciel avec des fleurs partout, donc, ça doit aller.
Deux types se tapent dessus apparemment, un peu plus loin. Une sombre histoire de petite copine allumeuse et de petit copain ultra jaloux. Les gardiens sont appelés, tout rentre dans l’ordre et tic-tac, tic-tac…

Toutes les deux heures, on vient me faire une dextro et on me demande si j’ai envie d’aller aux toilettes. Peut-être que je stresse et que je ne m’en rends pas compte au final, en tout cas, je n’ai pas envie.
Et toutes les deux heures, on vient me faire une dextro sauf que cette fois, on insiste pour que je remplisse le gobelet. Je peux rire sur commande et peut-être même pleurer mais pisser, ça m’est compliqué. L’infirmier me conduit tout de même aux toilettes, avec deux pieds à perf… le bonheur et pas une goutte.
Et toutes les deux heures, on vient me faire une dextro et on me précise qu’il ne faut pas jouer les égoïstes, qu’il faut que je donne que quelques gouttes d’urine car c’est cette analyse qui retarde mon entrée dans le service d’endocrinologie. On me supplie presque en précisant qu’il ne faut deux ou trois gouttes.
Peut-être mais je n’ai pas envie. Le matin même, on m’aurait demandé cela, c’est rois barils que je remplissais mais là, je n’ai pas envie. Ce qui me surprend d’ailleurs. J’aurai la réponse à cette énigme le lendemain.

Les parrains envoient des gros bras pour vous faire cracher le pognon que vous devez. En général vous finissez avec les jambes brisés ou au fond du fleuve, les pieds coulés dans un bloc de béton. Je sais, la réalité est moins douce.
Au C.H.U., ils envoient Robocop. Un type qui, avant d’avoir fait médecine, devait être pilier à l’A.S.M. Pas forcément très grand, trapu, chauve, le regard enfoncé dans les orbites, la voix grave il dit : « Monsieur, faut pisser ! »
Et la dernière chose qui te traverse l’esprit à ce moment-là c’est de vouloir le contrarier.

Dans le quart d’heure qui suit, ils ont leur trois gouttes dans le gobelet… qu’ils viennent récupérer deux heures plus tard. No comment.
Les brancardiers viennent alors me chercher, direction le troisième étage, service endocrinologie, diabétologie. Premier chambre à droite, déjà occupée. Il fait chaud, la fenêtre est ouverte (enfin, ouverte… sur quelques centimètres, ça ne monte pas plus haut pour empêcher les malades de se jeter sur le bitume un peu plus bas) et ce n’est pas les allers et venus de l’hélicoptère qui vont me bercer. Il est 4h du matin, je n’ai pas dormi et ne dormirai pas. À 6h, les infirmières arrivent pour les dextros. À 7, la journée commence.
Ma nouvelle vie aussi.




mercredi 10 février 2016

La découverte - Première partie



Je suis un battant.
Pas du genre à se laisser enfoncer dans le blues ou du moins jamais très longtemps. Alors quand en octobre 2014 j’ai touché le fond et que je ne parvenais pas à en sortir, j’ai décidé de prendre les choses en main.
Au chômage depuis 2010, en galère pour retrouver une place ou même une formation digne de ce nom, il y a un tri qui se fait dans les dépenses. La première d’entre elle a été la mutuelle. Sur les huit dernières années, je n’ai jamais vu un médecin, ne tombant jamais malade ou en chopant juste une crève au passage de l’hiver. N’étant pas adepte des médocs, je n’allais jamais chez le médecin. La cotisation pour la mutuelle me permettait de survivre un peu mieux avec les 500€ que je touche par mois en allocation. On en est là.

Mais bon, là, ça commençait à urger. J’ai déposé une demande de CMU-C qui a été accordée et je me suis donc rendu chez un médecin pour confirmer ou infirmer une dépression. Le net, c’est fabuleux. Vous trouvez de tout y compris les symptômes de la dépression. Je répondais à au moins trois critères sur la douzaine énoncée à propos de la dépression et il était recommandé d’aller voir le médecin. Chose que j’aurai faite de toute manière. Comme je le dis, le net, c’est bien mais il ne faut jamais jouer au médecin tout seul.

Me voilà donc chez le doc pour parler de mes petits malheurs, chose qui n’arrive jamais. Fatigue même après une nuit de 10h (chose qui n’arrive jamais), tristesse permanente, abattement perpétuel (chose qui n’arrive jamais)… bref, est-ce une dépression, doc ?

Non, je ne pense pas que ce soit une dépression…
Elle me propose alors un bilan sanguin que je passe le mardi matin suivant. Le mardi après midi, je suis en vadrouille et le lendemain, j’ai de nouveau rendez-vous avec mon médecin. Par conséquent, je ne me pose pas plus de question. La semaine précédente, une tante m’avait appelé sans que je ne réponde et avait laissé un message sur le répondeur. Mais comme je l’ai rappelé sans même consulter le message, la petite icône indiquant que j’avais un message en attente est restée. Et là aussi, je ne me suis pas posé plus de questions. Ça a l’air idiot comme détail mais il a son importance.
Le mercredi matin je vais à l’hôpital pour récupérer les résultats et direction le médecin. Dans la salle d’attente, j’ouvre la lettre. Faisant de l’acide urique étant jeune, je constate que les taux sont normaux. En réalité, tout est normal, tout est dans la fourchette. Un surhomme quoi ! Sauf en ce qui concerne le glucose. 4.36 g/L !

En voyant le chiffre, j’ai tout de suite compris. Il y a du diabète dans la famille. Mais au lieu de paniquer, je me suis senti tout de suite apaisé. Ne sachant pas pourquoi j’étais aussi mal, désormais, je savais. Me restait à découvrir ce que je devais faire.

En entrant dans le cabinet, mon médecin me demande si j’ai eu son message. Mon portable n’ayant pas sonné ni le jour-même ni la veille, je réponds que je n’ai rien eu. C’est là que je me dis qu’elle devait avoir mon numéro internet et pas de portable. Je n’ai pas su que j’avais un autre message que celui de ma tante et je n’étais pas allé voir ma boîte mail surchargée de message publicitaire ou te sollicitations diverses d’entreprises en manque de pigeons à plumer.
Il s’est avéré que la veille, vers 14h, ma doctoresse avait essayé de m’appeler suite aux nouvelles laissées par le service de prélèvement biologique de l’hôpital d’Estaing. Pour eux, je devais être admis en urgence car je risquais le coma diabétique. Vu le taux de glucose dans les veines, rien d’étonnant.

Je devais donc entrer en urgence au C.H.U. et ce dès que je passais la porte, à 11h du matin. Seulement le soir même, j’avais rendez-vous et je ne voulais pas le décaler. Le médecin m’explique plus précisément ce qu’est le diabète et reconnait ne pas être experte en la matière. C’est là que j’ai appris que l’un des symptômes du diabète est de boire une quantité non raisonnable de d’eau. Et c’est vrai que je tombais une carafe de flotte à chaque repas sans compter le thé que je buvais à longueur de journée.
Cela à pour conséquence de passer son temps sur les chiottes et de se déshydrater.
En réfléchissant bien, je me suis rendu compte que je buvais comme cela depuis au moins 2010. Octobre 2010 pour être plus précis. Quelques jours après avoir perdu mon boulot de gérant-employé dans un vidéo-club. Boire cette eau devient maladif. Il suffit d’avoir ou de voir de l’eau devant pour tomber dedans. C’est comme une drogue. Impossible de se réfréner. Il fallait ne pas y penser pour éviter de vider les bouteilles.

Pour moi, cela faisait donc au moins quatre ans que j’étais diabétique. Un diabète très lent à se manifester car à part boire comme un trou, je n’avais aucun autre symptôme. Et si je n’ai jamais eu de perte de connaissance en quatre ans, mon entrée aux urgences pouvait attendre encore quelques heures.
Je repartais donc en faisant la promesse de me rendre aux urgences une fois mon rendez-vous passé.